Agrément d’Anticor : tout est bien qui finit bien !
Le tribunal administratif de Paris a, en 2023, annulé pour erreur de droit l’arrêté pris par le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, de renouvellement de l’agrément de l’association anticorruption Anticor (Paris, 23 juin 2023, n° 2111821/6-1), annulation peu après confirmée par la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 16 nov. 2023, n° 23PA03811).
Cet agrément est fondamental pour l’association en cause : c’est grâce à lui qu’elle peut se porter partie civile dans les affaires de corruption (C. pr. pén., art. 2-23). On peut dès lors aisément comprendre qu’Anticor n’ait pas abandonné la partie…
Suspension de la décision implicite du refus d’agrément (TA Paris, 9 août 2024)
L’association a, en effet, saisi en référé le tribunal administratif de Paris afin qu’il ordonne la suspension de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de lui délivrer un agrément – c’est ainsi qu’elle a analysé l’inaction des successeurs de Jean Castex, qui n’ont pas pris de nouvel arrêté d’agrément – jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Elle obtient gain de cause, le tribunal considérant les deux conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative remplies, à savoir l’urgence et l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Il a dès lors suspendu, par voie d’ordonnance, la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé la délivrance de l’agrément sollicité par Anticor. Il a également enjoint au Premier ministre de réexaminer la demande d’agrément d’Anticor, en tenant compte des motifs de la présente ordonnance, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cette ordonnance.
Mais Gabriel Attal, alors « Premier ministre démissionnaire » et, de ce fait, simplement « chargé d’expédier les affaires courantes », n’a rien fait. On imagine aisément qu’il a souhaité « refiler la patate chaude » à son successeur dont la désignation était attendue.
Mesure d’astreinte (TA Paris, 4 sept. 2024)
D’où une nouvelle requête en référé de l’association devant le même tribunal visant à ce que l’injonction prononcée par l’ordonnance du 9 août 2024 soit assortie d’une astreinte. Il lui donne à nouveau gain de cause, considérant que l’exécution d’une décision de référé enjoignant à l’administration de réexaminer si l’association requérante remplit les conditions réglementaires de son agrément « présente, tant par sa nature qu’en raison de l’urgence, le caractère d’une affaire courante entrant dans la compétence d’un gouvernement démissionnaire ».
Dans ces conditions, ajoute le tribunal, dès lors que le Premier ministre « ne justifie d’aucune circonstance de droit ou de fait de nature à faire obstacle à l’exécution de l’ordonnance du 9 août 2024, il y a lieu de modifier l’injonction prononcée par celle-ci en enjoignant le réexamen de la demande présentée par l’association Anticor dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ».
Épilogue
Compte tenu du caractère comminatoire de l’astreinte, Gabriel Attal n’a eu d’autre choix, avant qu’il ne quitte définitivement ses fonctions, de renouveler l’agrément d’Anticor. Ce qu’il a fait par un arrêté du 5 septembre 2024 (JO du 5, texte n° 4), lequel considère que l’association remplit désormais effectivement l’ensemble des conditions prévues à l’article 1er du décret n° 2014-327 du 12 mars 2014 relatif aux conditions d’agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l’exercice des droits reconnus à la partie civile, en particulier la condition sujette à débat liée au « caractère désintéressé et indépendant de ses activités, apprécié notamment au regard de la provenance de ses ressources exposées dans sa documentation financière et ses rapports moraux pour les années 2022 et 2023, et des mesures de transparence mises en place conformément aux nouveaux statuts adoptés le 26 mars 2022 ».