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31/10/2024
2 minutes
Rapports et études

Lutte contre la pauvreté : dépenser plus, une stratégie payante ?

Les statistiques sont implacables : la précarité ne cesse de s’étendre en France et va bien au-delà du simple domaine financier. Selon l’Insee, la France compte en 2022 plus de 9 millions de personnes pauvres, soit un taux de pauvreté de 14,4 %, un niveau inédit depuis plus de 30 ans. Symptôme de cette aggravation, le travail ne protège plus de la pauvreté. (v. JA 2024, no 705, p. 7 ; JA 2024, no 706, p. 13). Le dernier rapport de l’association Les Petits Frères des pauvres montre également que 2 millions de personnes de plus de 60 ans vivent dans une situation de précarité alourdie par leur âge. Les populations concernées augmentent, les motifs d’inquiétude grandissent et les solutions peinent à émerger.

La lutte contre la précarité serait trop coûteuse et les dépenses sociales sont souvent sacrifiées sur l’autel de la stabilité budgétaire. Le collectif Alerte, composé de 35 fédérations et associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion publie une étude à contre-courant et affirme que la France a non seulement les moyens financiers de lutter contre la pauvreté, mais y a aussi intérêt.

Le coût financier de la pauvreté

Le modèle d’analyse propose d’élargir le champ du coût de la pauvreté. Ainsi, la puissance publique dépense directement 51 milliards d’euros chaque année, dirigés vers les minima sociaux, les transferts monétaires, les subventions aux associations ou encore l’accompagnement des personnes. À ce montant, l’étude ajoute plus de 67 milliards d’euros, qui représentent les coûts de non-traitement de la pauvreté, pour estimer globalement à 119 milliards d’euros par an le coût financier de la pauvreté pour les deniers publics.

En effet, le modèle intègre les externalités négatives de la pauvreté persistante, notamment les surcoûts pour la santé et d’autres services publics, estimés à 39 milliards d’euros. Sont également évalués les coûts d’opportunité directs de la pauvreté, estimés à 28 milliards d’euros de manque à gagner en termes de recettes publiques, notamment du fait de l’éloignement des personnes pauvres de l’emploi, qui ne génèrent pas de cotisations salariales ni patronales, et de la TVA non perçue par la consommation réduite des personnes en situation de précarité.

L’étude estime également à 0,5 point de produit intérieur brut (PIB) les coûts d’opportunité indirects de la pauvreté, et donc l’apport que pourrait représenter l’insertion des personnes pauvres sur la richesse nationale. Dépendant de facteurs macroéconomiques moins précis, ce dernier chiffre n’a pas été retenu dans le coût global de la pauvreté et des modèles d’investissements proposés pour équilibrer la situation.

Des pistes pour « un investissement social payant »

L’étude précise en effet des hypothèses de sortie de la pauvreté, dont l’investissement additionnel est estimé à 8 milliards d’euros par an en moyenne sur 10 ans, avec un apport de 28 milliards d’euros la première année, qui diminue chaque année pour approcher le zéro au bout de 10 ans.  Dans un premier temps, une grande partie de cette somme serait consacrée aux transferts monétaires pour éradiquer la pauvreté monétaire et porter l’ensemble des personnes concernées au-dessus de 60 % du revenu médian.  Les autres leviers concernent l’accompagnement vers l’emploi et l’investissement dans le logement social pour traiter les questions d’insalubrité et de précarité énergétique.

Les projections de ces modèles sur 10 ans, prenant en compte les coûts évités et les recettes fiscales générées, montrent un retour sur investissement à l’équilibre dans l’hypothèse médiane et des bénéfices dans l’hypothèse maximaliste, redéfinissant les termes du débat : « combattre la pauvreté n’est pas seulement une évidence morale pour redonner de la dignité à chacune et chacun, c’est aussi une évidence économique ».

Thomas Giraud

Sources