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05/12/2024
2 minutes
Droit public

Lutte contre la corruption : illégalité de l’agrément antérieur d’Anticor

On aurait pu croire que l’arrêté du 5 septembre 2024 ayant renouvelé l’agrément de l’association de lutte contre la corruption Anticor (JO du 6, texte n° 4) allait mettre fin au jeu du chat et de la souris qui oppose ladite association au gouvernement depuis plusieurs années à propos de cet agrément, dont le gouvernement a pendant longtemps refusé le renouvellement. Il n’en est rien en réalité puisque le Conseil d’État a récemment jugé que l’agrément délivré à Anticor pour se constituer partie civile entre 2021 et 2024 était illégal. Rien de moins. Et la situation que crée cette illégalité interroge.

Annulation et confirmation de la nullité du renouvellement de l’agrément

La haute juridiction administrative commence par rappeler que l’article 2-23 du code de procédure pénale prévoit qu’une association doit être agréée pour pouvoir exercer les droits de la partie civile devant le juge pénal en matière de lutte contre la corruption. L’agrément est délivré pour une durée de trois ans si certaines conditions sont remplies, dont une condition tenant au caractère désintéressé et indépendant des activités de l’association, appréciée notamment en fonction de la provenance de ses ressources. L’agrément dont bénéficiait l’association Anticor depuis 2015 avait été renouvelé, pour une nouvelle période de trois ans, par un arrêté du Premier ministre du 2 avril 2021.

Or cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Paris à la demande d’un membre et d’un ancien membre de l’association (23 juin 2023, n° 2111821/6-1). Ce tribunal a, en effet, jugé que le Premier ministre ne pouvait pas légalement tout à la fois considérer que la condition tenant au caractère désintéressé et indépendant des activités de l’association n’était pas remplie – ce qu’indiquait la motivation de l’arrêté contesté – et délivrer tout de même l’agrément en se satisfaisant d’engagements de l’association de prendre à l’avenir des mesures correctives. Par la suite, la cour administrative d’appel de Paris a confirmé ce jugement (16 nov. 2023, RG n° 23PA03811). C’est le pourvoi de l’association contre cet arrêt qui est rejeté par l’arrêt commenté.

Le Conseil d’État juge, d’une part, que le membre et l’ancien membre de l’association qui avaient saisi la juridiction administrative justifiaient d’un intérêt pour agir suffisant pour contester l’agrément. D’autre part, il valide le raisonnement retenu par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel pour juger illégal l’arrêté du Premier ministre. Il confirme ainsi l’annulation rétroactive de l’arrêté du 2 avril 2021 prononcée par le tribunal administratif, qui devient de ce fait définitive. Est rejeté l’argument de l’association selon lequel l’annulation du renouvellement d’agrément emporte des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général.

Portée de l’annulation

La portée de cette annulation est quelque peu délicate à apprécier. Le communiqué de presse du Conseil d’État en lien avec l’arrêt commenté affirme, avec prudence, que pour la période antérieure au 5 septembre 2024, date du dernier renouvellement de l’agrément de l’association, « c’est au seul juge pénal qu’il appartient de se prononcer sur les conséquences, pour les instances en cours, de l’annulation de l’arrêté du 2 avril 2021, devenue définitive du fait de la décision du Conseil d’État ». Faut-il, dès lors imaginer que, dans certaines affaires de corruption pour lesquelles Anticor s’est portée partie civile sur le fondement de l’agrément annulé et qu’une instruction avait été ouverte, celle-ci soit clôturée et qu’un non-lieu soit prononcé en faveur de la personne mise en cause ? Rien n’est moins sûr…

Xavier Delpech

Sources