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20/06/2024
3 minutes
Droit public

Financement public : subvention locale et action internationale

Pour le Conseil d’État, statuant en formation de section, les collectivités territoriales peuvent accorder, sous certaines conditions, une subvention à une action humanitaire internationale, en l’occurrence à l’association de sauvetage de migrants en mer SOS Méditerranée. Il était important que la haute juridiction administrative prenne nettement position dans ce débat car, jusqu’alors, les décisions des juridictions du fond administratives étaient divergentes (v. not. CAA Bordeaux, 7 févr. 2023, no 20BX04222). 

En rejetant les recours des contribuables qui avaient attaqué les décisions de trois collectivités – la ville de Paris, la ville de Montpellier et le département de l’Hérault – ayant accordé des subventions à ladite association, le Conseil d’État conforte indéniablement l’action de SOS Méditerranée. Au-delà, il reconnaît la « valeur de l’action des associations engagées dans le sauvetage en mer de personnes migrantes » – selon les termes de l’avocat de l’association devant le Conseil d’État – et sécurise leur financement, même si certaines précautions doivent être prises.

Conformité aux engagements internationaux de la France

Pour justifier sa position, le Conseil d’État rappelle que le Parlement a permis aux collectivités territoriales de mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire, sans que cette action ait à répondre à un intérêt public local, à s’inscrire dans les autres domaines de compétences des collectivités territoriales ou à impliquer une autorité locale étrangère. Simplement, ces actions doivent, aux termes de la loi, respecter les engagements internationaux de la France. Elles ne doivent pas interférer avec la conduite par l’État des relations internationales de la France. Enfin, ces actions ne peuvent pas conduire une collectivité territoriale à prendre parti dans un conflit de nature politique.

S’agissant, au cas présent, de SOS Méditerranée, le Conseil d’État juge que l’activité de sauvetage en mer de cette ONG est bien une action internationale à caractère humanitaire, et non une action de nature politique. Il considère, en particulier, qu’elle est menée en conformité avec les principes du droit maritime international, qui prévoient l’obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer et de les débarquer dans un lieu sûr dans un délai raisonnable, quel que soit leur nationalité ou leur statut. Elle n’est, au surplus, pas contraire aux engagements internationaux de la France.

Analyse des subventions

Puis, le Conseil d’État procède à une analyse concrète du « fléchage » des subventions versées à SOS Méditerranée. Il considère que deux sur trois sont conformes à la loi. Celles versées par la ville de Paris et le département de l’Hérault sont pleinement validées. S’agissant de la subvention de 100 000 euros accordée par la ville de Paris, le Conseil d’État relève qu’elle est exclusivement destinée à financer l’affrètement d’un nouveau navire en vue de permettre à l’association de reprendre ses activités de secours en mer et que la convention conclue avec SOS Méditerranée prévoit que l’utilisation de la subvention à d’autres fins que l’activité de sauvetage en mer entraîne la restitution de tout ou partie des sommes déjà versées et que la ville de Paris peut effectuer des contrôles pour s’assurer du respect de ces obligations.

Le Conseil d’État en déduit que la destination de ce soutien est donc suffisamment encadrée. La subvention versée par la ville de Montpellier est en revanche annulée, aucun élément ne permettant d’établir que cette commune se serait assurée que son aide serait exclusivement destinée au financement de l’action internationale humanitaire qu’elle entendait soutenir. En effet, la délibération du conseil municipal ne précise pas la destination de cette subvention et la convention signée avec l’association indique qu’elle a été sollicitée pour le fonctionnement de l’association, sans plus de précisions.

Xavier Delpech

Sources