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Statue Justice - Copyright Unsplash
23/10/2025
2 minutes
Droit social

Emploi associatif : la remise d’une bible à un mineur ne justifie pas le licenciement

La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle une règle bien ancrée en jurisprudence : un motif tiré de la vie personnelle du salarié – en particulier lié à ses convictions religieuses – ne peut, en principe, justifier son licenciement.

La solution a récemment été rappelée à propos du licenciement d’une salariée employée en qualité d’agent de service d’une association de protection de l’enfance. Pour la chambre sociale, ladite salariée, ayant pris l’initiative de se déplacer à l’hôpital où avait été admise une mineure prise en charge par cette association, ne peut pas être licenciée pour lui avoir remis une bible dès lors que ces faits sont intervenus en dehors du temps et du lieu du travail de la salariée et ne relevaient pas de l’exercice de ses fonctions professionnelles.

Le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire en raison de faits relevant, dans la vie personnelle d’un salarié, de l’exercice de sa liberté de religion, est discriminatoire et encourt donc la nullité. 

Des faits commis hors du cadre du travail…

L’élément factuel déterminant dans cette affaire tenait à ce que les faits à l’origine du licenciement s’étaient déroulés hors du cadre – géographique et temporel – de travail de l’intéressée. Ils se rattachaient de ce fait à la vie personnelle de l’intéressée et non pas à sa vie professionnelle. En effet, la Cour de cassation  juge, de manière constante, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (v. en dernier lieu : Cass., ass. plén., 22 déc. 2023, n° 21-11.330).

En l’occurrence, l’avocate générale avait estimé dans son avis que les faits reprochés à la salariée de l’association licenciée devaient bel et bien être rattachés à la vie professionnelle et donc pouvaient être sanctionnés car « [l’intéressée a] reproduit un comportement, déjà sanctionné à deux reprises, à l’égard d’une jeune mineure qu’elle a connue lors de son travail et qu’elle va volontairement visiter à l’hôpital ». Il est vrai que, précédemment au licenciement, l’employeur avait déjà sanctionné la salariée en prononçant un avertissement, puis une mise à pied disciplinaire de trois jours.

À suivre l’avocate générale, ces faits se situaient donc, en quelque sorte, dans le prolongement de l’activité professionnelle et devaient se rattacher à elle. Mais son avis n’a pas été suivi, la chambre sociale censurant l’arrêt d’appel qui avait validé le licenciement au motif que la salariée avait abusé de sa liberté d’expression et de manifestation de ses convictions religieuses, entravant, de ce fait, la bonne exécution de son contrat de travail.

C’est dire que la chambre sociale adopte ici une approche restrictive de la notion de rattachement à la vie professionnelle qui paraît conforme à la tendance jurisprudentielle actuelle (v. not. Soc. 22 janv. 2025, n° 23-10.888).

… par une salariée « simple » agente de service

Un autre élément factuel mérite d’être relevé, qui, sans pour autant être déterminant, peut contribuer à justifier la solution adoptée dès lors que la chambre sociale prend la peine de le relever :  la salariée licenciée était une « agente de service et non éducatrice ».

Il n’est pas à exclure que la chambre sociale eût adopté une solution différente si la salariée avait exercé des fonctions d’éducatrice car, bien que commis en dehors du lieu et des horaires de travail, les faits incriminés auraient alors pu relever directement des obligations professionnelles de l’intéressée.

Xavier Delpech

Sources