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29/06/2023
3 minutes
Droit pénal

Désignation d’un administrateur provisoire dans un établissement de santé non lucratif

Une clinique grenobloise relevant du statut d’établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic) à but non lucratif est dirigée par deux mutuelles. Mais toutes deux décident de se retirer de la gestion de l’établissement de santé. À la suite d’un appel d’offres lancé par le conseil d’administration de ce dernier, la proposition de reprise de la gestion de la clinique par une société commerciale est validée tant par le conseil d’administration que par l’assemblée générale extraordinaire. À l’évidence, l’opération ne fait pas l’unanimité. Il faut dire qu’elle est plus que sulfureuse dès lors que le fondateur et président de la société commerciale, mis en examen pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds public, s’est vu interdire par le juge pénal de gérer la clinique, obtenant alors la désignation d’un fidèle à la présidence de cette dernière. Le tribunal judiciaire de Grenoble accède à la demande de plusieurs syndicats de salariés, de la ville et de la métropole de Grenoble ainsi que de l’association des Amis des cliniques mutualistes de Grenoble de nommer deux administrateurs provisoires, dessaisissant alors temporairement les organes de gestion de la clinique de leurs prérogatives.

Intérêt à agir

L’existence d’un intérêt à agir, en ce qui concerne l’association, n’allait pas de soi. Classiquement, le tribunal affirme que « si une association peut, même hors habilitation législative et en l’absence de prévision expresse quant à l’emprunt de voies judiciaires, agir en défense d’intérêts collectifs, son action n’est cependant recevable qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social ». Ladite association ayant pour objet principal de « préserver la place du non-lucratif des cliniques mutualistes de Grenoble dans le paysage hospitalier du Bassin grenoblois », elle défend un intérêt en lien étroit avec la demande présentée dans cette procédure puisque les dysfonctionnements dénoncés dans la gestion de la clinique sont de nature à « atteindre son statut non lucratif pour le faire basculer en statut lucratif ». L’action ainsi exercée rejoint donc pleinement l’objet de l’association.

Conditions de désignation et mission de l’administrateur provisoire

L’institution prétorienne de l’administrateur provisoire vise un « mandataire désigné lorsque survient une crise grave, empêchant le fonctionnement normal d’une personne morale, quelle que soit sa forme : société, groupement, association, mutuelle, afin de sauvegarder les intérêts en cause […] ». Sa désignation suppose rapportée la preuve cumulative de deux conditions : la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement normal du groupement, et l’existence d’un péril imminent. Ces deux conditions sont ici considérées réunies, compte tenu, en particulier, qu’il s’avère que la clinique « ne dispose plus de l’indépendance et de l’autonomie juridique, administrative et de gestion, lui permettant d’assurer le respect de son intérêt social et la préservation de son statut d’établissement de soins à but non lucratif ». Le tribunal décide de nommer deux administrateurs provisoires pour gérer la clinique en raison de la situation particulière dans laquelle se trouve celle-ci, au cœur à la fois « d’une information judiciaire et de plusieurs procédures judiciaires, notamment pour délit d’entrave et aux fins d’annulation d’actes liés à la reprise ». Ils se voient confier entre autres, et en sus d’une « mission de gestion et d’administration générale » de la clinique, une mission de « vigilance générale » concernant le respect de l’intérêt social de la société exploitant la clinique et la mise en œuvre de « toutes mesures propres à assurer le rétablissement financier, la reprise des activités en souffrance et l’apaisement du climat social ». Ils se voient même reconnaître le pouvoir de se constituer partie civile au nom de la clinique dans les procédures judiciaires, y compris pénales, présentes ou à venir. Bien qu’elle soit susceptible d’appel, la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Sources