Associations de consommateurs : l’exigence de l’indépendance
Une association d’aide aux maîtres d’ouvrage individuels a été agréée en 2006 par arrêté préfectoral en qualité d’association de défense des consommateurs pour une durée de cinq ans. Son agrément a été renouvelé en 2010 une première fois et pour la même durée. Mais lors de la deuxième demande de renouvellement faite cinq ans plus tard, c’est la douche froide : la préfète du département de l’Essonne rejette, par voie d’arrêté, la demande de l’association. Cette dernière a alors saisi le tribunal administratif de Versailles d’une requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté préfectoral. Il la rejette et, en appel, la cour administrative d’appel de Versailles rejette également celle tendant à l’annulation de ce jugement. Mais le Conseil d’État casse l’arrêt d’appel.
Exigence d’indépendance
Pour le Conseil d’État, une association de défense des consommateurs ne peut obtenir et conserver l’agrément prévu à l’article L. 811-1 du code de la consommation, lequel fonde sa capacité à se constituer partie civile en application de l’article L. 621-1 du même code, qu’à la condition de présenter des garanties d’indépendance à l’égard de toutes formes d’activités professionnelles. Il appartient à l’autorité compétente – c’est-à-dire au ministre chargé de la consommation et à celui de la justice pour les associations nationales ou au préfet du département pour les associations à rayonnement local (C. consom., art. R. 811-2) – de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’association qui sollicite la délivrance ou est titulaire d’un tel agrément justifie, au regard de ses statuts, ses modalités d’organisation et ses conditions de fonctionnement, conformément à l’article L. 811-2 du même code, d’une indépendance à l’égard non seulement d’opérateurs économiques susceptibles de porter atteinte aux intérêts des consommateurs que l’association a pour objet de défendre, mais aussi de toutes autres formes d’activités professionnelles.
Or, pour les juges du fond, le critère d’indépendance n’est ici nullement rempli. Pour considérer que l’association en cause n’était pas indépendante, ils se sont basés sur une appréciation des relations entretenues entre cette association et un cabinet d’avocats. Ils ont relevé, d’une part, l’existence d’un lien de filiation entre le président d’honneur de cette association et une associée fondatrice du cabinet d’avocats en cause et, d’autre part, la circonstance que ce cabinet d’avocats, qui figurait dans une liste de professionnels recommandés par l’association, était très régulièrement mandaté par l’association dans les litiges l’opposant à des constructeurs ou à la Caisse de garantie immobilière du bâtiment et intervenait pour donner des conférences ou des consultations au siège de l’association.
Appréciation souple du critère
Ce faisceau d’indices ne convainc nullement le Conseil d’État, qui fait montre, au risque de surprendre, d’une bien plus grande mansuétude à l’égard de l’association. Il affirme en effet que, en retenant ces circonstances pour juger que la préfète de l’Essonne avait pu retirer à l’association requérante son agrément au motif qu’elle ne respectait plus la condition d’indépendance à l’égard de toutes formes d’activités professionnelles, alors qu’il n’était pas contesté que l’association menait exclusivement une action désintéressée de soutien aux maîtres d’ouvrage individuels et que ce cabinet d’avocats, spécialisé en droit de la construction, n’était pas le seul cabinet dont les services étaient recommandés, la cour a commis une erreur de qualification juridique. C’est donc, pour l’essentiel, le caractère désintéressé de l’action que mène l’association qui fonde son indépendance