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23/05/2024
2 minutes
Droit civil

Dérives sectaires : une loi et des débats

Au cours des 10 dernières années, les dérives sectaires ont regagné du terrain et diversifié leurs formes (v. JA 2022, n° 669, p. 8). Le gouvernement avait donc engagé une procédure accélérée en novembre 2023 pour mettre en œuvre une nouvelle loi dédiée et ainsi consolider les moyens légaux au service de la lutte contre ce phénomène. Après l’examen du Sénat et du Conseil d’État (v. JA 2023, n° 690, p. 6), ainsi que quelques débats au cours du travail législatif, la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes a été publiée au Journal officiel.

Elle est accompagnée par une décision du Conseil constitutionnel, qui annule l’article 2 du projet de loi initial, qui prévoyait de donner capacité aux groupes de travail constitués au sein de conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de traiter des questions relatives aux dérives sectaires. L’ensemble des autres dispositions est conservé.

Consécration de la Miviludes

Pour incarner, représenter et mener la lutte contre les dérives sectaires, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), créée en 2002, se voit dotée par la loi d’un rôle et de prérogatives élargis.

Ce nouveau statut législatif lui permet, outre ses missions d’observation, d’analyse, de coordination et de mise en œuvre de la politique de lutte contre les sectes, de travailler en lien avec le ministère de l’Éducation nationale à l’intégration de la sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires dans les programmes du secondaire.

Elle pourra également être sollicitée en tant qu’expert dans les procès qui mettent en jeu ces dérives.

Nouveaux délits

Alors que le Sénat, inspiré par le Conseil d’État, s’était montré réservé sur l’introduction de nouveaux délits pour caractériser certaines formes d’emprise sectaire, les députés ont rétabli dans ce texte les délits de sujétion psychologique et de provocation à l’abandon de soins.

Est ainsi puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende le fait de « placer ou maintenir » quelqu’un « dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement », qui auraient « pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». Ce délit est aggravé s’il est commis sur une personne mineure ou par le biais d’un support numérique.

Le délit de provocation à l’abandon de soins punit d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende les pressions et manœuvres poussant une « personne atteinte d’une pathologie à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical », lorsque cette recommandation va à l’encontre de l’état des connaissances médicales et est « manifestement  susceptible d’entraîner pour [la personne concernée], compte tenu de la pathologie dont elle est atteinte, des conséquences particulièrement graves pour sa santé physique ou psychique ».

Par ailleurs, les organismes condamnés pour dérives sectaires seront exclus du bénéfice des dons ouvrant droit à un avantage fiscal.

Un soutien renforcé aux victimes

Le renforcement du rôle des associations dans l’accompagnement des victimes a quant à lui fait l’objet d’un large consensus.

La constitution de partie civile, jusqu’ici réservée à l’organisme reconnu d’utilité publique Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes), sera ouverte dans les affaires concernées à davantage d’associations à la suite d’une procédure d’agrément, plus souple que celle de reconnaissance d’utilité publique.

Sources