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27/06/2024
3 minutes
Droit public

Bonne nouvelle : Mona Lisa va rester définitivement en France !

Si le portrait de La Joconde a toujours possédé son lot de mystères – qui ne se limite pas, loin de là, au sourire, énigmatique et impénétrable, de Mona Lisa –, il en est un qui vient d’être définitivement levé par le Conseil d’État, sans grande surprise à la vérité : le célèbre portrait peint par Léonard de Vinci fait bel et bien partie du domaine public.

La décision par laquelle le roi François 1er se serait approprié en 1519 le célèbre portrait est même jugée inattaquable. Se dessine en filigrane, dans cet arrêt par lequel la haute juridiction administrative procède davantage par affirmation que par véritable souci de démonstration, la référence à la théorie de l’acte de gouvernement, qui vise, en droit contemporain, une catégorie d’actes édictés par une administration bénéficiant d’une totale immunité juridictionnelle pour des raisons essentiellement d’opportunité politique ou diplomatique. La Joconde reste donc définitivement acquise à la France, ce dont – avec une pointe de chauvinisme – il faut se réjouir.

Pas de qualité pour agir de l’association requérante

Mais cela a pu être contesté par une association, assez mystérieuse au demeurant, qui entend œuvrer à rapatrier les biens culturels spoliés à l’occasion de conflits au fil des siècles et à travers le monde. Cette association a ainsi saisi le Conseil d’État afin de déclarer nulle et non avenue la décision du roi François 1er, de même, par voie de conséquence, que les actes qui auraient été pris sur le fondement de cette décision. Logiquement, pour se prononcer sur l’admission de la requête, la haute juridiction administrative apprécie la qualité pour agir de l’association au regard de son objet (v. par ex. en ce sens : CE 3 juill. 2020, req. n° 430585).

Pour le Conseil d’État, « la circonstance que l’association […] se soit donné pour objet statutaire “de veiller à la licéité de la composition des collections des musées publics” et “de protéger le patrimoine culturel mobilier afin qu’il reste à disposition des populations autochtones dans le lieu ou le pays d’origine de création de manière à conserver, affirmer et promouvoir leur identité culturelle et la puissance créatrice de leur histoire” n’est pas de nature à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour introduire devant le juge de l’excès de pouvoir une action tendant à contester l’appartenance de biens au domaine public mobilier de l’État afin de permettre la restitution de ceux-ci aux personnes dont elle soutient qu’elles en seraient les légitimes propriétaires », à savoir les héritiers de Léonard de Vinci. Car, en effet, l’association prétend… représenter ces derniers. Pour le Conseil d’État, seuls les héritiers du peintre ont, le cas échéant, intérêt à introduire une action en justice pour obtenir la restitution du tableau.

À la vérité, il ne prend guère de risque en évoquant une telle éventualité… Il poursuit en affirmant que l’association ne saurait davantage soutenir qu’elle aurait vocation à représenter ces personnes au titre de la « gestion d’affaires ». La requête de l’association est donc, à ce titre, irrecevable.

Prise de position sur le fond

Le Conseil d’État aurait pu se borner à se placer sur le terrain procédural de l’intérêt et de la qualité pour agir. Mais cela aurait pu ouvrir la porte à des contestations ultérieures, émanant de personnes physiques (d’éventuels héritiers ?) ou morales suffisamment malignes, elles, pour être capables de justifier d’un intérêt légitime.

Pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore, il était nécessaire que le Conseil d’État se prononce sur le fond. Ce qu’il fait, et même par une affirmation dont la portée va bien au-delà du seul portrait de La Joconde. Il énonce, en effet, dans un véritable arrêt de règlement que les « “décisions” par lesquelles, sous l’Ancien régime, l’autorité souveraine aurait acquis et incorporé des biens dans le domaine de la Couronne, biens qui font désormais partie du domaine public, sont manifestement irrecevables ».

Et pour prévenir toute requête ultérieure en restitution d’œuvre d’art plus ou moins fantaisiste, non seulement la requête de l’association est rejetée, mais elle est considérée comme « entachée d’irrecevabilités manifestes » par le Conseil d’État, qui inflige même à l’association requérante une amende de 3 000 euros pour requête abusive. On ne s’attaque pas impunément au patrimoine artistique national !

Xavier Delpech

Sources