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20/04/2023
3 minutes
Droit public

Subventions locales à SOS Méditerranée : jurisprudences divergentes

L’affaire concerne le point de savoir si une collectivité locale peut valablement accorder une subvention à une association de sauvetage de migrants en mer, en l’occurrence SOS Méditerranée France.

Attention, affaire sensible

Certains élus et contribuables (également militants politiques, on l’imagine) l’ont contesté et ont saisi les juridictions administratives de demandes d’annulation de plusieurs délibérations d’exécutifs locaux ayant attribué de telles subventions. Statuant en premier ressort, les tribunaux administratifs ont été plusieurs à leur donner tort. Ainsi, le tribunal administratif de Paris a validé la subvention d’un montant de 100 000 euros votée par le conseil de Paris (l’équivalent du conseil municipal dans notre capitale) en faveur de cette association destinée à financer un programme de sauvetage en mer et de soins aux migrants dans le cadre de l’aide d’urgence en raison du droit propre des collectivités locales à la « coopération décentralisée » (TA Paris, 12 sept. 2022, no 1919726, JA 2022, no 668, p. 10, obs. X. Delpech ; v. égal. dans le même sens : TA Montpellier, 19 oct. 2021, no 2003886, AJDA 2022. 441 ; AJCT 2022. 103, obs. O. Didriche ; TA Nantes, 19 oct. 2022, no 202012829).

En faveur de la légalité de la subvention

Aujourd’hui, ce contentieux monte d’un cran, puisque certaines décisions de tribunaux administratifs ont fait l’objet d’un recours en annulation. C’est donc au tour des cours administratives d’appel d’entrer dans la danse. Et leurs décisions sont divergentes. La cour administrative d’appel de Bordeaux, d’abord, se prononce en faveur de la validité de ce type de subvention. Elle a ainsi confirmé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté la demande d’annulation de la délibération du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ayant attribué une aide humanitaire d’urgence d’un montant de 50 000 euros à SOS Méditerranée. La cour rappelle d’abord que la loi autorise les collectivités territoriales, dans le respect des engagements internationaux de la France, à soutenir toute action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. Elle relève ensuite que les statuts de SOS Méditerranée indiquent qu’elle a notamment pour objet de « sauver la vie des personnes en détresse, en mer Méditerranée » et qu’elle « est une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession ». La délibération du conseil régional précise en outre que l’aide accordée à cette association vise exclusivement à soutenir les actions de sauvetage en mer menées dans les eaux internationales, au plus près des côtes libyennes où se produisent la plupart des naufrages. Cette action présentant un caractère humanitaire et ne portant pas atteinte aux engagements internationaux de la France, la délibération du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine accordant une aide à l’association SOS Méditerranée pour la soutenir est donc légale.

En faveur de l’annulation

À l’inverse, quelques semaines plus tard, la cour administrative d’appel de Paris a annulé la subvention de 100 000 euros accordée par la ville de Paris à SOS Méditerranée. Elle considère que le conseil de Paris a, en subventionnant cette association, pris parti et interféré dans un domaine qui relève de la compétence des institutions de l’Union européenne et de la politique étrangère de la France, qu’il appartient à l’État seul de définir, ainsi que dans des différends de nature politique entre États membres. La loi permet, certes, aux collectivités territoriales d’accorder une subvention à une association pour mettre en œuvre ou soutenir une action internationale à caractère humanitaire, mais à la condition de respecter les engagements internationaux de la France et sans prendre parti dans des conflits politiques notamment. Elle ajoute que les débats ayant conduit à l’attribution de la subvention montraient que le conseil de Paris avait entendu faire siennes ces critiques, allant au-delà de ce que la loi permet aux collectivités territoriales dans le domaine de l’action internationale à caractère humanitaire. Il va sans dire qu’il est urgent que le Conseil d’État tranche cette divergence de jurisprudence source d’insécurité juridique.

Sources