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Générosité : la Cour des comptes fait le bilan de sa mission de contrôle

La générosité du public est une disposition précieuse, un facteur essentiel au financement de nombreux organismes sans but lucratif, qui repose sur une relation de confiance et sur la conviction des donateurs que leur contribution servira l’intérêt général. Pour préserver cet élément structurant, il a été confié à la Cour des comptes une mission de contrôle, qui doit garantir que l’utilisation des dons remplit bien les objectifs prévus. Pour assurer ce rôle de manière transparente, elle doit élaborer un rapport dédié tous les deux ans, dont la dernière version vient d’être publiée.

Historique et fondements de la mission de contrôle

La mission de contrôle des organismes faisant appel à la générosité du public menée par la Cour des comptes débute en 1991, à la suite d’un scandale retentissant qui a durablement marqué les mémoires des donateurs et des pouvoirs publics, et le vote de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 (JO du 10 ; v. JA 1991, n° 57, p. 43) qui institue l’obligation pour les structures concernées d’établir un compte d’emploi des ressources (CER) et de déclarer les objectifs poursuivis par leurs appels à la générosité du public. La loi confie à la Cour des comptes la vérification de la concordance entre ces éléments afin d’apporter les preuves de bonne foi – et de bonne gestion – devenues indispensables pour rétablir la confiance avec les donateurs.

Depuis 2009, les pouvoirs de la Cour des comptes ont été étendus et lui permettent de se prononcer sur la conformité des dépenses engagées par rapport aux objectifs annoncés, ouvrant la possibilité au ministre chargé du budget de supprimer les avantages fiscaux attachés aux dons en cas de non-conformité (CJF, art. L. 111-9 et L. 143-2 ; v. JA 2014, n° 498, p. 38). La Cour souligne en effet que ces avantages impliquent « un renoncement de perception de l’impôt par l’État qui ne peut être justifié que par la réalité d’actions au bénéfice de l’intérêt général ».

Les déclarations de non-conformité n’ont pas été nombreuses – seulement cinq en quinze ans –, et une seule a été suivie d’une sanction effective de suspension d’un an de l’avantage fiscal pour les donateurs à un fonds de dotation (v. JA 2022, n° 663, p. 6), qui a par la suite demandé son placement en liquidation judiciaire.

Dans ce nouveau rapport, face à un mécanisme « trop peu mobilisé », la Cour suggère la mise en place d’une gradation des sanctions, avec la possibilité de réduire l’avantage fiscal des structures concernées plutôt que sa suppression pure et simple, ou encore de ne l’appliquer qu’à une partie des dons.

Un professionnalisme grandissant

Au-delà de ces rares cas de non-conformité, le rapport salue plus globalement « des efforts de professionnalisation accrus au cours du temps, sous l’effet des évolutions réglementaires et de la mobilisation des organismes ».

Les procédures de contrôle sont détaillées et permettent de comprendre en profondeur les ressorts de la conformité aux attentes de la Cour des comptes, basées sur « le respect de la volonté des donateurs, mais aussi sur les modalités de leur bonne information, et sur la gouvernance des entités contrôlées ».  Le rapport fait ainsi office de répertoire des bonnes et des mauvaises pratiques, et constitue une référence utile pour la gestion des organismes faisant appel à la générosité du public.

Points de vigilance et incohérences

Ainsi, on peut relever les principaux motifs de non-conformité : « le niveau manifestement excessif des frais de collecte », « une information des donateurs erronée ou trop lacunaire pour rendre compte de l’emploi des dons », « des imputations comptables erronées qui biaisent à leur tour l’information », ou encore « des dépenses non désintéressées, le non-respect d’une exigence statutaire ». 

Par ailleurs, la Cour alerte sur de nouveaux modes de collecte, comme les cagnottes, qui « réalisent en pratique une forme d’appel à la générosité du public sans être assujetties aux obligations usuelles en la matière ».

Plus globalement, le rapport remet en question la cohérence d’ensemble du paysage juridique face à la variété des types de structures présentes dans le champ de la philanthropie, avec plusieurs organismes aux statuts différents qui peuvent être regroupés au sein d’un même groupe « sans respect de leur gouvernance propre ».