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Pouvoir adjudicateur : l’enjeu de la notion de contrôle

Une question préjudicielle posée par une cour administrative d’appel au Conseil d’État est l’occasion pour les juges du Palais-Royal de préciser que l’encadrement législatif et réglementaire de l’activité des institutions sociales et médico-sociales privées, gestionnaires d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (ESSMS), ne révèle pas l’existence d’un contrôle actif d’un pouvoir adjudicateur sur la gestion de ces organismes, interdisant de les qualifier eux-mêmes de pouvoirs adjudicateurs.

Qu’est-ce qu’un pouvoir adjudicateur ?

Aux termes de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique (CCP), un organisme de droit privé doit être qualifié de pouvoir adjudicateur et soumis aux dispositions contraignantes régissant les marchés publics s’il a été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :

–  a) soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;

–  b) soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;

–  c) soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur.

Les juges du fond s’interrogeaient donc sur l’applicabilité du b) à l’espèce qui leur était soumise.

Examen de la notion de contrôle

Dans son avis fort bien construit, le juge administratif rappelle la jurisprudence européenne exigeant un contrôle actif, remettant en cause l’autonomie de l’organisme au point de permettre à l’autorité d’influencer les décisions en matière d’attribution des marchés. Ce contrôle doit être de nature à créer une situation de dépendance vis-à-vis de l’autorité publique, équivalente à celle qui existe dans les situations a) et c). C’est dire si la haute assemblée insiste sur la réalité et la densité du contrôle qui doit être caractérisé afin de faire basculer l’organisme de droit privé dans le champ de la commande publique.

Le Conseil d’État en tire le principe selon lequel un contrôle a posteriori de régularité de l’activité d’une personne morale de droit privé par une autorité publique de tutelle ne saurait s’apparenter au contrôle de gestion exigé par le CMP pour l’application de ses dispositions, tel qu’interprété par la jurisprudence. Aussi, ni le contrôle préalable des emprunts et des programmes d’investissement par les autorités de tarification, ni la possibilité de récupérer certaines sommes en cas de dépenses excessives, ni celle de faire nommer un administrateur provisoire, ni le fait que les propositions budgétaires de l’ESSMS peuvent faire l’objet de modifications ne permettent de considérer que les autorités disposent d’un contrôle d’une nature autre que de régularité. Même cet important cortège de mesures ne saurait constituer un contrôle actif au sens des dispositions précitées.

Autrement dit, et cela relève quelque peu du bon sens, pour pouvoir influer sur la gestion dans les conditions jurisprudentielles, il faut exercer un contrôle préalable. En l’espèce, le contrôle ex ante n’a pas pour objet ou pour effet de remettre en cause l’autonomie de gestion, pas plus d’ailleurs que les autres contrôles. Enfin et surtout, quand bien même il ne faudrait pas nier l’existence desdits contrôles, ceux-ci, en tout état de cause, ne sont pas de nature à créer une situation de dépendance équivalente aux deux autres branches de l’article précité. En conséquence, les gestionnaires privés d’ESSMS ne sont pas, dans ces circonstances, regardés comme des pouvoirs adjudicateurs.