Validation de la limitation du recours des associations contre les autorisations d’urbanisme
L’affaire est connue : une association a saisi le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (CE 31 janv. 2022, no 455122) portant sur l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », limitant le recours formé par une association contre une autorisation d’urbanisme.
Exigence d’une existence d’au moins un an
L’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, inspiré par le rapport Maugüé (« Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace », 2018), est rédigé en ces termes : « Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ». Il convient de relever que la version antérieure du texte avait déjà reçu l’approbation du Conseil constitutionnel (Cons. const., décis. n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011).
La QPC qui vient d’être soulevée par l’association requérante portait sur la conformité de la modification introduite par la loi ELAN exigeant que, pour que le recours de l’association soit recevable, le dépôt des statuts de l’association en préfecture soit intervenu non plus simplement « antérieurement », mais désormais « au moins un an » avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
Ladite association reproche aux dispositions en cause « de priver les associations dont les statuts ont été déposés depuis moins d’un an de toute possibilité d’agir en justice pour défendre leur objet social, alors même que leurs recours ne seraient ni dilatoires ni abusifs. Il en résulterait une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif ». Pour les mêmes motifs, elle estime que ces dispositions « méconnaîtraient la liberté d’association » (pt 2). En outre, elles introduiraient « une différence de traitement injustifiée entre les associations au motif que le critère temporel retenu par le législateur pour apprécier la recevabilité de leur recours serait sans lien avec leur intérêt à agir » (pt 3).
Absence d’atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif
Le Conseil constitutionnel rejette la demande. Il commence par reconnaître que « le législateur a souhaité que les associations qui se créent aux seules fins de s’opposer à une décision individuelle d’occupation ou d’utilisation des sols ne puissent la contester. Il a ainsi entendu limiter les risques particuliers d’incertitude juridique qui pèsent sur ces décisions d’urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires » (pt 8). Le Conseil ajoute que, dès lors que les dispositions contestées restreignent le droit au recours des seules associations dont les statuts sont déposés moins d’un an avant l’affichage de la demande du pétitionnaire et que cette restriction est limitée aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols, « les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif » (pt 10).
La solution peut sembler sévère, mais on peut comprendre l’objectif poursuivi par le législateur : écarter les recours des associations ad hoc créées spécialement à l’occasion d’une opposition à un projet (v. pour une illustration : CAA Marseille, 29 déc. 2020, n° 20MA04095). En réalité, la disposition contestée peut être assez facilement contournée : il suffit que l’un des membres de l’association forme un recours en annulation en son nom propre dès lors qu’il peut se prévaloir d’un intérêt à agir. En matière de projet urbanistique, cette condition n’est probablement pas si difficile à remplir.