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Les associations en voie de financiarisation et de marchandisation ?
30/03/2023
2 minutes
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Les associations en voie de financiarisation et de marchandisation ?

Depuis ces dernières années, les frontières de l’économie sociale et solidaire (ESS) semblent se déplacer et provoquer de nombreux changements dans le fonctionnement de ses structures et de leurs modèles socio-économiques, quitte à entretenir parfois une certaine confusion dans leur rapport avec l’économie marchande.

Ces évolutions exercent une influence sur les associations et interrogent leur capacité à affirmer leur nature non lucrative et à se détacher du processus de marchandisation et de financiarisation qui traverse les notions d’innovation sociale, d’entrepreneuriat social ou d’investissement à impact social. C’est ce qui ressort du rapport de l’Observatoire citoyen de la marchandisation des associations, qui décrypte les mécaniques à l’œuvre dans l’infusion progressive de logiques concurrentielles dans le monde associatif.

Vers une obligation de compétitivité ?

Le rapport reprend la définition de la marchandisation de Timothée Parrique : il s’agit de « la transformation d’une chose en un produit échangeable sur un marché » et, à cet effet, il faut pouvoir le « standardiser, le quantifier, le monétiser, et le privatiser ».

La vocation non lucrative des associations apparaît comme une alternative au modèle marchand et un espace capable de construire des solutions à des besoins sociaux en dehors de critères de viabilité purement économique. Pourtant, leurs sources de financement connaissent un changement progressif de modèle.

En effet, le rapport insiste sur le remplacement du modèle appuyé sur la subvention par un modèle basé sur les appels à projets et appels d’offres. On passe donc d’un système de reconnaissance de l’intérêt public d’une activité associative par un soutien financier à une relation de commanditaire à fournisseur où les financeurs décident à la fois des besoins sociaux auxquels on doit répondre et des critères de sélection de l’action qui sera financée.

Dès lors, les associations sont mises en concurrence et leur évaluation repose sur des logiques et des outils qui recherchent principalement des indicateurs quantifiables. Les effets d’un tel fonctionnement ont été évoqués dans un rapport du Haut-Conseil à la vie associative (HCVA) du 30 septembre 2021 : « Les outils et modes de gestion dans lesquels les associations doivent s’insérer […] sont justement ceux qui réduisent la dimension humaine dans l’organisation de l’entreprise, réduction qu’on dénonce par ailleurs. On tue donc d’un côté les spécificités que l’on vante de l’autre » en poussant à concevoir les activités associatives comme une marchandise.

L’intérêt général doit-il être rentable ?

Le rapport interroge également les mécaniques de financiarisation des activités associatives, engendrées par les pratiques d’une frange du secteur privé marchand qui revendique des impacts sociaux et écologiques positifs grandissants. L’émergence de nouveaux types de structures commerciales comme les entreprises à mission et autres start-up à impact rend les actions associatives moins distinctives et favorise un modèle de financement privé de l’intérêt général soumis à des impératifs de rentabilité.

Dans ce paysage concurrentiel accru, les associations sont incitées à varier leurs sources de financement, notamment en recourant de plus en plus à des contrats à impact social (CIS), contrats tripartites entre un acteur associatif, un acteur public (État ou collectivité) et un investisseur privé. Ces contrats sont soumis à l’atteinte d’objectifs déclenchant le paiement d’intérêts à l’investisseur privé. Ce type de contrat transforme l’activité des associations en produit financier spéculatif et pousse à diriger les financements vers des actions rentables, dont la mesure est quantifiable et facile à évaluer, tout en déléguant une part toujours plus importante du maintien d’actions d’intérêt général à des intérêts privés.

Le rapport enrichit son propos de nombreux éclairages théoriques et pratiques, qui mettent en lumière tout l’intérêt de la mission de l’Observatoire citoyen de la marchandisation des associations.

Sources