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Contrat d’engagement Républicain : un collectif d’associations intervient en défense d’Alternatiba
23/03/2023
3 minutes
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Contrat d’engagement Républicain : un collectif d’associations intervient en défense d’Alternatiba

Les débats autour du contrat d’engagement républicain (CER) et de son application se sont enrichis d’une pièce importante, qui marque une nouvelle phase de la contestation du milieu associatif. Un collectif s’est formé pour soutenir l’association Alternatiba, menacée du retrait de subventions publiques pour avoir organisé un atelier sur la désobéissance civile au cours d’un événement bénéficiant d’un financement de la Ville de Poitiers.

Composé de 11 associations et 3 syndicats, ce collectif a remis au tribunal administratif de Poitiers un mémoire en intervention volontaire qui entérine la judiciarisation des litiges liés au CER.

Rappel des faits

La procédure en cours fait suite à un courrier daté du 13 septembre 2022 du préfet de la Vienne invitant les instances exécutives de la commune de Poitiers et de la communauté d’agglomération du Grand Poitiers à retirer la subvention accordée à Alternatiba, la tenue d’un atelier de désobéissance civile étant, selon lui, contraire au CER et justifiant l’engagement de la procédure prévue à l’article 12 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (JO du 25), dite « loi Séparatisme ».
Cette intervention controversée du préfet n’a pas convaincu les collectivités concernées, qui l’ont estimée sans fondement et ont renouvelé leur soutien financier à l’association. Le préfet s’est donc tourné vers la justice administrative avec deux déférés préfectoraux enregistrés le 28 octobre 2022. C’est dans le cadre de cette procédure que le mémoire en défense a été remis.  

Les structures signataires sont soudées par un intérêt à agir commun, étant donné qu’elles bénéficient de financements publics et d’agréments, et sont donc toutes signataires du CER, sans avoir jamais caché leur opposition au dispositif – notamment par la formation d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Elles revendiquent également « de régulièrement s’inscrire en opposition avec la politique gouvernementale, d’interpeller l’État et les institutions, au besoin parfois en recourant à des actions de désobéissance civile ».

La jurisprudence européenne au secours de la liberté d’association

Le mémoire en défense représente donc pour ces organismes un moyen de faire valoir la légitimité de leurs activités, au même titre que celles qui valent à Alternatiba le risque de se voir retirer des subventions.
Le document se concentre sur les principes de liberté d’expression et d’association, respectivement garantis par les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et leur traduction dans plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Il est ainsi rappelé que le pluralisme est un élément majeur pour garantir l’expression démocratique et qu’il doit être garanti également pour les opinions qui « choquent, heurtent ou gênent l’État ou une partie de la population » (CEDH 10 déc. 2007, n° 69698/01, § 101 ; CEDH 1er juill. 2014, n° 43835/11, § 7).

Le mémoire insiste sur l’importance de la possibilité de proposer et discuter des « projets politiques divers, même ceux qui remettent en cause le mode d’organisation actuel d’un État, pourvu que ces projets ne visent pas à porter atteinte à la démocratie elle-même », appuyant son propos sur la jurisprudence européenne (CEDH 12 nov. 2003, n° 26482/95, § 43).

Plusieurs décisions de la CEDH sont aussi invoquées pour valoriser le rôle des associations dans la défense des droits, leur attribuant un caractère de contre-pouvoir similaire à la presse, qui doit pouvoir s’exercer sans que l’État rende significativement plus difficile leur financement ou leur action (CEDH 5 oct. 2006, n° 72881/01, § 73 ; CEDH 12 avr. 2011, n° 12976/07, § 79 à 81) ou ne restreigne l’exercice de la liberté d’association par la mise en place d’une législation limitant leur capacité à recevoir des subventions (CEDH 7 juin 2007, n° 71251/01, § 37 et 3).

De la désobéissance civile comme principe démocratique

Au-delà des nombreuses décisions allant juridiquement dans le sens de la défense d’Alternatiba, le mémoire propose également une réflexion plus vaste, rappelant de nombreux cas de désobéissance civile qui ont abouti à des avancées majeures pour les droits humains.

Il rappelle également la pensée de plusieurs philosophes, au premier rang desquels Étienne de La Boétie, Henry David Thoreau, Hannah Arendt et John Rawls, qui estiment que la désobéissance civile est un principe nécessaire pour faire avancer la justice et que sa libre expression sans violence représente un critère de bonne santé démocratique.