Patrimoine : les collectivités territoriales face à des défis monumentaux
Un facteur d’attractivité touristique peut-il devenir un fardeau pour les finances locales ? Dans un nouveau rapport, la Cour des Comptes rappelle que le patrimoine historique a un prix : les collectivités locales sont « pleinement responsables de l’entretien, de la conservation et de la restauration des biens protégés dont elles sont propriétaires ».
Pour étudier le poids de cette charge, l’étude porte sur les monuments détenus par les collectivités tels que définis à l’article L.1 du code du patrimoine, soit « l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique ». Le périmètre est élargi aux édifices religieux appartenant aux communes, même lorsqu’ils ne sont pas protégés.
La Cour des Comptes estime que « les collectivités territoriales sont propriétaires de 45 % des 46 000 monuments historiques, soit une proportion supérieure à celles de l’État et des propriétaires privés ».
Une charge financière « difficilement soutenable »
La moitié des monuments historiques appartenant à des collectivités territoriales sont la propriété de communes de moins de 2 000 habitants, pour lesquelles l’obligation de conservation du patrimoine représente une charge financière considérable malgré un cofinancement de l’État en hausse.
Les crédits de paiement et autorisations d’engagement budgétés par l’État au titre de la protection du patrimoine ont ainsi augmenté depuis plusieurs années pour atteindre respectivement 140 et 153 millions d’euros.
Malgré ces évolutions, les communes anticipent une baisse des subventions en provenance des régions et départements, alors que les autres sources de financement, comme la Fondation du patrimoine, restent marginales.
À la question budgétaire s’ajoute la complexité règlementaire, les opérations d’entretien et de rénovation devant respecter de nouvelles normes énergétiques qui multiplient les coûts. L’enregistrement et la prise en charge de ce patrimoine présentent également des difficultés au niveau des assurances.
Par ailleurs, la Cour des Comptes relève que la charge de nombreux édifices religieux repose sur les seules communes, et pose la question de « l’acceptabilité de la dépense » en l’absence d’usage partagé lorsque la pratique religieuse est occasionnelle.
Des procédures à simplifier, un cadre juridico-économique à améliorer
Le rapport relève également un cadre inadapté à la mission de conservation du patrimoine, en premier lieu car les collectivités manquent régulièrement de connaissances sur l’état sanitaire de leurs monuments, notamment en raison de manque de communication avec les services du ministère de la Culture.
La complexité de la protection des abords des monuments historiques, surtout lorsqu’ils sont affectés à des logements, l’enchevêtrement de procédures anciennes et du déploiement progressif (mais trop lent) de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) de 2016, auxquelles s’ajoutent de potentiels conflits avec les impératifs de transition écologique, renforcent les difficultés des collectivités à respecter leurs obligations.
La Cour des Comptes recommande donc d’ouvrir aux collectivités l’accès à la base ministérielle « AgréGée » qui recense l’état sanitaire des monuments protégés, d’accélérer la mise en œuvre de la loi LCAP, de faciliter la mise en valeur du patrimoine en laissant la possibilité de modifier le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du patrimoine sans déclencher automatiquement la révision du plan local d’urbanisme, et de former les élus à la réglementation et à la gestion du patrimoine historique.
Thomas Giraud