
Appel en matière de référé pénal environnemental : les associations hors jeu
Le référé pénal environnemental est une procédure introduite dans notre législation par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau (JO du 4) et qui permet de saisir le juge pénal (juge des libertés et de la détention ou juge d’instruction) en cas de non-respect de certaines dispositions du code de l’environnement ou du code minier afin qu’il ordonne toutes mesures utiles pour faire cesser les atteintes à l’environnement constatées. Ces mesures peuvent aller jusqu’à la suspension ou l’interdiction des opérations litigieuses. Le procureur de la République peut se saisir d’office ou être saisi par une autorité administrative, par une victime, ou encore par une association agréée pour la protection de l’environnement (C. envir., art. L. 216-13).
Appréciation stricte de la notion de « personne concernée »
Quant à l’appel contre l’ordonnance du juge pénal prononçant de telles mesures – ou refusant de les prononcer –, il est ouvert uniquement à la « personne concernée » et au procureur de la République. Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, la « personne concernée » est « celle à l’encontre de laquelle il a été demandé au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile », c’est-à-dire la personne (généralement, une entreprise) soupçonnée de ne pas respecter les prescriptions imposées par le droit de l’environnement. Les riverains affectés par les atteintes à l’environnement (en l’espèce, des émissions de substances chimiques) et les associations qui les soutiennent ne sauraient donc être qualifiés de « personnes concernées » au sens de l’article L. 216-13 du code de l’environnement. Par conséquent, ils ne peuvent pas interjeter appel de l’ordonnance du juge pénal rendue en matière de référé pénal environnemental, en l’occurrence de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant de prononcer des mesures pour mettre un terme aux infractions à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Certains regretteront que la Cour de cassation n’ait pas, à l’occasion de l’examen de cette affaire, saisi l’opportunité qui lui était donnée de « reconnaître pleinement le rôle des associations et riverains dans la justice environnementale » et qu’elle ait « préféré maintenir à distance la société civile » (Notre affaire à tous, blog, 18 mars 2025). La solution est cependant conforme à la lettre de la loi – sinon à son esprit – et ne saurait donc surprendre. Cela d’autant plus que, deux mois plus tôt, la même juridiction a jugé irrecevable l’appel formé par une association agréée de protection de l’environnement contre la décision du juge des libertés et de la détention ayant déclaré irrecevable sa requête en liquidation de l’astreinte assortissant les mesures d’urgence que, sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement, ce magistrat a antérieurement ordonnées contre une communauté de communes, sur requête du procureur de la République à la demande de cette association (Crim. 14 janv. 2025, n° 23-85.490).
Utilité d’une réforme législative
Seule une loi pourrait venir élargir le champ des personnes habilitées à faire appel des décisions prises sur le fondement du texte précité. Il n’est pas inutile de préciser qu’une proposition de loi visant à adapter la procédure des référés aux enjeux environnementaux a été déposée à l’Assemblée nationale il y a quelques mois (Doc. AN, no 741, 19 déc. 2024), qui prévoit, entre autres, une réforme du champ d’application de la procédure du référé pénal environnemental en l’élargissant à l’ensemble des délits à caractère environnemental, tels que délimités par le champ de compétence des nouveaux pôles juridictionnels environnementaux institués par l’article 15 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (JO du 26). Mais elle ne prévoit nullement d’étendre le champ des personnes pouvant faire appel des décisions prises sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement. Cette proposition de loi n’a de toute façon pas été discutée. Le sera-t-elle même un jour ?
Xavier Delpech